Chanter, danser, rigoler, s’amuser. Grâce aux clowns de l’espoir, les enfants, les parents et les soignants oublient les murs blancs. Une bulle de légèreté colore les hôpitaux.
Des chaussures violettes swinguent sur le parquet gris. Des éclats de rire fusent dans le silence ouaté. Six nez rouges se détachent sur les murs blancs du Centre hospitalier de Valenciennes. Comme les autres clowns de l’espoir, Pluche, Zibou, Dada, Lulu, Lolipo et Bulbe apportent leur bonne humeur, parenthèses de joie, dans les services pédiatrie et chirurgie.
Derrière leurs chariots de soin, les soignantes en blouses accueillent les pitres, un sourire aux lèvres. Avant de commencer, réunion des grands chefs clowns pour parler de chaque enfant, de leur état physique et de leur moral. Puis le bal s’ouvre. Deux par deux, les joyeux drilles s’élancent pour inventer jeux et histoires abracadabrantesques.
Des artistes attendus
Dada et Lolipo tombent nez à nez avec Quentin, petit blondinet d’une douzaine d’années, qui déambule, yoyo jaune fluo en main, à la recherche des nouveaux venus. Aussitôt un concours yoyotesque débute. « Les enfants savent quel jour viennent les clows, ils les attendent » affirme Patricia, auxiliaire puéricultrice. Ayant perdu le concours, Dada, princesse en robe rouge coiffée d’une couronne argentée et Lolipo s’enfuient et rattrapent la bibliothèque roulante. Tintin, Gaston Lagaffe, Lucky Luke, des bandes dessinées à profusion inspirent les artistes. Sur un air de Far West siffloté par le shérif Dada, Lolipo dégaine son colt d’un air menaçant. Les lourdes santiags imaginaires tintent sur le sol et se dirigent hors du monde de l’Ouest. « Elles font un travail super » observent, d’un air radieux, les bibliothécaires. Les cowboys disparaissent et se glissent dans la chambre silencieuse de Louna. À pas de loups, les deux clowns s’approchent du lit de la blondinette qui s’éveille à peine. Lolipo, en salopette rouge et t-shirt bleu, entonne une chanson de réveil tandis que Chocolat, le doudou de Dada attaque les chœurs. (diaporama ici)
Le lit devient studio d’enregistrement. « C’est un vrai bonheur », sourit Amélie, la maman, au frottement d’un petit oeuf-maracas. Pour remercier leurs auditrices priviligiées, les chanteuses touchent du bout des doigts chaque main, et voila un bisou de clown.
Une bulle d’air
Quittant cette bulle de douceur, les deux artistes transforment les couloirs en salle de danse. Les soignantes s’esclaffent le temps d’une polka endiablée ou d’une valse exagérée. « Cela change le quotidien » s’amuse Pascaline, une éducatrice. Zibou et Lulu se mêlent à la fête puis partent vers une autre chambre. À leur approche, Enzo se cache derrière un fauteuil tandis que son frère, Timéo, fixe depuis son lit à barreaux un œil intrigué sur les deux drôles de personnages. Zibou, aux collants verts fleuris comme ses joues, s’allonge sur le sol et tire de son sac bleu un tube à bulle. Les premiers ronds de mousse plaisent à Enzo, qui leur court après et les éclate en se tordant de rire. De son côté, Lulu fredonne une musique à Timéo. Emerveillé par la joie de son frère, le bébé ne s’inquiète pas de l’infirmière qui débute les soins quotidiens. « C’est incroyable, d’habitude, impossible de lui faire ces soins sans qu’il ne bouge » apprécie Sandrine, l’infirmière. Les deux saltimbanques quittent la sphère de joie de Timéo et Enzo. La porte se referme mais pas la lumière de cet univers. Plus loin, une chambre fermée, un regard à travers la vitre. Un petit coup et les deux troubadours se glissent dans la pénombre de la pièce. Un bébé dort, une maman veille. Tout en douceur, les poètes lui murmurent deux-trois mots. Elle étouffe un rire. « Merci, vous êtes formidables, merci beaucoup » bafouille-t-elle. Une étincelle d’émotion scintille dans ses yeux.
Pour chaque enfant, les clowns de l’espoir inventent un monde et établissent une relation de confiance. Derrière le miroir, les comédiennes se dévoilent un peu. « On apporte une bulle d’air, de la légèreté aux enfants, parents et soignants ». Une bulle imaginaire où chacun peut se plonger quand il en a besoin. Dans les couloirs blancs, un air de fête flotte encore, un trace de nez rouges.
Claire Lecœuvre
Reportage réalisé en Mai 2011 à Lille
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